Interview de M. Mohamed Hassan, Coordonnateur
8 décembre 2013
Par un frais après-midi de décembre, le Coordonnateur de l'ICA, M. Mohamed Hassan a accordé une interview au bureau de Secrétariat à Tunis, dans laquelle il nous parle du Consortium pour les infrastructures en Afrique. Comme rarement avant, Hassan a accepté de fermer son bureau pendant quelques minutes pour parler avec franchise du statut de l'ICA et dire ce qu'il pense de l'état actuel du développement des infrastructures en Afrique.
Q. Le Consortium pour les infrastructures en Afrique a célébré récemment son anniversaire – de quoi s'agissait-il ?
M.H: « … Oui, c'est cela. Nous avons célébré un important anniversaire cette année. Cette année, notre réunion annuelle a également été l'occasion pour l'ICA de célébrer un cycle complet de financements dont nous avons bénéficié de la part du G8. Vous n'êtes pas sans ignorer que l'ICA a vu le jour au sommet du G8 de Gleneagles au Royaume-Uni en 2005. Depuis lors, nos réunions annuelles se sont tenues dans les autres pays membres du G8. Les financements de notre réunion annuelle proviennent directement de quiconque accueille le sommet du G8. Cette année, le Royaume-Uni a accueilli de nouveau le sommet du G8 ; c'est donc lui qui a financé la réunion annuelle de l'ICA de cette année … la boucle est donc bouclée - avec le retour à notre tout premier sponsor. C'était génial … »
Q. En quoi était-ce génial ?
M.H: « … Je dois d'abord dire que toutes les réunions annuelles de l'ICA sont toujours excellentes car elles regroupent les acteurs mondiaux majeurs des questions d'infrastructures en Afrique. Ces réunions sont l'occasion pour les professionnels dédiés de partager des points de vues et idées et de collaborer chaque fois que cela est possible sur des projets et initiatives. La réunion annuelle de l'ICA de l'an 2013 s'est tenue en novembre à Arusha en Tanzanie au nouveau siège de la Communauté d’Afrique de l’Est. C'était un cadre de rêve ! Le thème de la réunion annuelle de cette année est « Renforcement des échanges commerciaux en Afrique : harmonisation transfrontalière de la réglementation et de la politique de transport. » Des représentants de centrales électriques ont faits des présentations sur ce thème – et les participants ont abondamment participé aux échanges. Au cours de la réunion des membres de l'ICA [à huis clos], nous avons accueilli la république d'Afrique du Sud comme nouveau membre de l'ICA. Nous avons également présenté aux membres un très ambitieux plan de travail stratégique – qui a été validé – qui prévoit la mise sur pied d'un Réseau de facilités de préparation de projets … actuellement, nous travaillons d'arrache-pied pour sa mise en place effective … »
Q. Au regard de la situation actuelle, comment évaluez-vous le chemin parcouru par l'ICA ?
M.H: « … Eh bien, je citerai d'abord l'élargissement de l'admission à notre consortium. L'ICA n'est plus réservé uniquement aux pays membres du G8. Comme je vous l'ai déjà dit, un premier pays du G20 nous a rejoint cette année. La république d'Afrique du Sud est le premier pays du G20 et premier pays africain à rejoindre l'ICA. C'est un pas important. Je pense qu'au fil du temps, l'engagement des membres de l'ICA est montée d'un cran, ce qui se traduit par des interactions et communications accrues. Grâce à l'ICA, nos membres sont en mesure de communiquer ouvertement et de manière constructive sur les voies et moyens de relever les défis complexes du développement des infrastructures en Afrique. L'ICA reste un consortium à caractère « non contraignant » -- ses membres sont libres de participer (même financièrement) ou non à ses activités. La plupart d'organisations qui sont structurées de la sorte ne durent pas aussi longtemps que l'ICA. Pour ma part, il faut en tirer deux enseignements : le premier est qu'il existe un engagement suivi en matière de développement d'infrastructures destinées à transformer l'économie en Afrique ; le second est que nous abattons un excellent travail... »
Q. En quoi trouvez-vous excellent le travail de l'ICA ?
M.H : « …Le Consortium pour les infrastructures en Afrique abat un excellent travail à travers son plaidoyer pour le développement d'un système d'infrastructures viables en Afrique. Il s'agit d'un objectif à long terme ; nous sommes en contact régulier avec des centaines de parties prenantes. Nous - par « nous » j'entends l'ensemble des membres et le Secrétariat ici à Tunis – parlons constamment de l'eau, de l'énergie, des TIC et du transport en Afrique. Nous disposons de très nombreuses publications, ressources multimédia et exemples de projets. Comme je vous l'ai dit, nous sommes une équipe très déterminée. Nous sommes également très doués en matière de rassemblement. En tant que consortium, nous avons été en mesure de réunir des centaines, voire des milliers de parties prenantes autour d'une table – où nous facilitons un dialogue constructif dans le but de mobiliser les ressources qu'il faut pour mener des projets d'infrastructure… »
Q. Quels sont quelques-uns des défis que vous êtes appelés à relever ici au Secrétariat de l'ICA ?
M.H: « … Eh bien, le personnel du Secrétariat est en nombre assez restreint. C'est une équipe dont je suis très fier. Néanmoins, répondre à la constante demande en informations, outils, publications, ressources multimédia à jour est un défi qu'elle relève péniblement en raison de son petit nombre. Cependant, je suis heureux de vous dire que l'ICA a déjà consenti d'importants efforts pour remédier à ce problème. L'ICA a rédigé un Guide de préparation de projet. Celui-ci a évolué en outil en ligne que nous appelons « Fund Finder ». Ce Fund Finder est l'outil idéal des promoteurs de projets à la recherche de fonds à chaque stade du cycle de vie de leur projet.
Nous avons également créé un Centre de connaissances en ligne pour le partage de rapports et d'études sur les questions relatives aux infrastructures en Afrique. Ce Centre de connaissances est riche de centaines de publications et rapports portant sur les infrastructures. Ils proviennent du monde entier. L'ICA a également développé ses propres publications - toutes destinées à diffuser des connaissances spécialisées sur le paysage infrastructurel en Afrique. Je peux citer « When the Power Comes: An Analysis of IPPs in Africa » qui est un rapport d' analyse des pools énergétiques en Afrique. Il complète un autre rapport de l'ICA appelé « Regional Power Status in African Power Pools. » Nous avons également réalisée une étude d'évaluation des moyens d'accroître la participation du secteur privé dans les secteurs du transport maritime et aérien en Afrique ; nous venons de boucler une évaluation - commandée par le G20 - des facilités de préparation de projets en Afrique.
Ces études et autres actualisations d'informations sur le développement des infrastructures en Afrique sont également diffusées dans notre bulletin d'information électronique dénommé @ISSUE. Ces publications et rapports nous servent également d'outils de sensibilisation des décideurs à qui nous les envoyons afin qu'ils puissent prendre des mesures nécessaires à la mise en œuvre des recommendations qui y sont faites... »
Q. Il nous semble que la majeure partie de projets d'infrastructures prévus an Afrique sont grands, régionaux et transfrontaliers. Que fait l'ICA pour faciliter l'avancement de ces projets ?
M.H: « … Beaucoup peut être dit, en réponse à cette question. Ce que je peux vous dire, c'est que nous sommes pleinement attachés à l'intégration régionale. Toutefois, il est bien notoire que les projets d'infrastructure régionaux sont bien plus difficiles à mettre en œuvre que les projets nationaux. L'ICA appuie les efforts de l'Union Africaine, des communautés économiques régionales et des institutions spécialisées sur le continent. Le centre de convergence de tous ces efforts est le Programme de développement des infrastructures en Afrique (PIDA). Le PIDA est une initiative mise sur pied par la Commission de l'Union africaine (AUC), l'Agence de planification et de coordination du NEPAD (Agence du NEPAD), la Banque africaine de développement (BAD), la Commission économique des Nations Unies pour l'Afrique (CEA) et les communautés économiques régionales (REC).
Il existe 51 différents projets PIDA – à différents stades de préparation. Tous les projets du PIDA sont des projets d'infrastructure à portée régionale ou continentale, destinés à soutenir le secteur du transport, de l'énergie, des technologies de l'information et de la communication (TIC) et à résoudre des problèmes relatifs à la gestion des ressources en eaux transfrontalières. Les projets du PIDA visent à assurer l'intégration du continent [africain], ainsi qu'à booster le commerce international, la création d'emplois et une croissance économique viable. Notre travail à l'ICA consiste à soutenir, compléter et renforcer les objectifs du PIDA.
Certains membres de l'ICA dirigent des programmes spécifiques du PIDA tels que les projets de construction des corridors de transport de l'Afrique de l'Est et de l'Afrique centrale, l'Initiative pour la corne de l'Afrique, le Corridor nord-sud, et le Système d’échanges d’énergie électrique ouest africain (EEEOA). Dans le cadre des activités de ses programmes régionaux, l'ICA aide à la mobilisation de ressources pour la préparation et la mise en œuvre de projets en apportant une expertise sur la recherche de sources de financement – et en aidant à l'organisation des conférences sur l'investissement et des conférences de bailleurs de fonds. Par exemple, nous avons récemment aidé à la conférence sur l'investissement de la Commission du basin du Lac Victoria (LVBC) où 22 notes conceptuelles de projets ont été présentées et des engagements pris par des financiers présents. Nous avons été présents à toutes les étapes de la préparation de cette conférence. Nous avons aidé à l'élaboration des notes conceptuelles. Nous avons accueilli une conférence de bailleurs de fonds et, par la suite, mené des activités spécifiques de jumelage … encore une fois, beaucoup peut être dit en réponse à votre question – sachez, en tout cas, que nous faisons beaucoup en faveur de l'intégration régionale… »
Q. Désormais, il est communément admis que le secteur privé est appelé à jouer un rôle de plus en plus important dans le financement des projets prioritaires du PIDA. Étant donné que l'ICA sert de plateforme de négociation pour obtenir davantage de financements pour les projets d'infrastructure en Afrique, comment l'ICA peut-il apporter sa pierre aux efforts de mobilisation des financements du secteur privé au profit des projets du PIDA ?
M.H: « … L'ICA a pris une part active aux travaux du groupe de travail pour la mise en œuvre du PIDA, notamment en aidant à la mobilisation des fonds. En ce moment, nous procédons à la structuration financière des projets du PIDA afin d'examiner d'éventuelles modalités de financement du plan d'action prioritaire (PAP) du PIDA. Il convient de noter que le second plan stratégique d'entreprise (SBP) de l'ICA 2014-2016 affectera plus de ressources à la facilitation des programmes d'infrastructures régionales -- surtout le PAP du PIDA.
Nous soutiendrons davantage de jumelages, de conférences sur l'investissement, ainsi que d'autres activités de mobilisation de ressources. Les membres de l'ICA continuerons à soutenir, en amont, des activités de projets tels que la préparation de projets (études de faisabilité, analyse économique et financière, etc.) afin d'améliorer la bancabilité des projets et programmes.
Comme je viens de le dire, la capacité à rassembler et à coordonner de l'ICA est inégalée. Notre consortium compte 13 membres clés dont les pays membres du G8 et trois banques multilatérales – Banque mondiale, Banque africaine de développement, Banque européenne d'investissement – Commission européenne et Banque de développement d'Afrique du Sud, qui sont tous des acteurs majeurs ayant une certaine influence en ce qui concerne le développement d'infrastructures en Afrique.
L'ICA à travers l'Initiative pour l'atténuation des risques en Afrique (IRMA ; une initiative de l'ICA) favorisera le développement d'instruments d'atténuation des risques et d'autres instruments novateurs d'amélioration de l'accès au crédit / aux financements du secteur privé afin d'aider à tirer profit des ressources supplémentaires. Nous avons la ferme conviction que tous ces efforts permettront de combler les lacunes d'ordre institutionnelles, de surmonter les contraintes réglementaires et contribueront à l'amélioration de la participation du secteur privé au développement des infrastructures sur le continent… »
Q. Dernière question : Quel est l'ICA que vous aimeriez voir dans 10 ans ?
M.H : « … Eh bien, mon rêve est que tous les pays du G8 et du G20 soient membres actifs de l'ICA dans 10 ans. Je vois un ICA qui développe des systèmes d'infrastructures durables en Afrique – où il existe une inter-connectivité appropriée grâce à des routes bien conçues, des infrastructures d'adduction d'eau et de transport aérien – où l'absence cruelle d'approvisionnement en eau et en électricité appartient au passé. Notre but est d'avoir une stratégie intégrée en matière de TIC dans toutes les parties de l'Afrique. Si nous maintenons le rythme actuel, nous devrions parvenir à de vrais changements qui améliorent les vies… »
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