Les effets économiques du Covid-19 sur Afrique – par la CEA
23 March 2020
Le coronavirus a pris pied dans de nombreux pays, la menace d’une pandémie est devenue réelle » déclarait Tedros Adhanom Ghebreyesus, le directeur général de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) lors d’une conférence de presse à Genève, le 11 mars dernier. Le virus touchait 152 pays, avec plus de 292,000 infectés et plus de 12,000 décès au 23 March 2020, date de publication de cette analyse ( Rapport de Situation Report N°62 de l’OMS). Bien que l’Afrique reste, pour l’heure, l’une des régions les moins infectée par cette nouvelle maladie, le nombre de pays touchés par le virus augmente quotidiennement. Au 20 mars, près de 800 cas confirmés ont été reportés dans 44 pays et un total of 20 décès, concentrés dans les parties nord et sud du Continent. La Commission économique des Nations Unies pour l’Afrique (UNECA), membre du Consortium for Africa (ICA), dans son rapport datée du 18 mars 2020, présente des analyses qui pourraient aider à comprendre et à amortir les effets économiques et sociaux de cette pandémie.
« 100 milliards de dollars seront nécessaires pour combler le déficit de financement »
Une question taraude les experts : comment l’Afrique parviendra t-elle à gérer l’afflux des malades dans ses hôpitaux tant le système de santé y est globalement précaire ? L’UNECA annonce que 80 000 personnes sur une population mondiale de 1,3 milliard pourraient être affectées par le Covid-19 – cette maladie causée par le SARS-COV-2. Ce n’est pas moins de 3 000 décès qui pourraient être enregistrés. En effet, 55,9%, dans la moitié des pays touchés, (à l'exception de l'Afrique du Nord), vit dans des bidonvilles. Dans certains pays africains touchés, moins de 50% de la population a accès à des services d'eau potable gérés en toute sécurité. Sans surprise, la réalisation des ODD et de l'Agenda 2063, sont gravement compromis ! D’après l’UNECA, 100 milliards de dollars seront nécessaires pour combler le déficit de financement et booster la Décennie d'action.
Les canaux d'impact en Afrique
L'Afrique est de plus en plus interconnectée avec le reste du monde et le continent a commencé 2020 avec des perspectives économiques positives selon la BAD (de 3,4% fin 2019 à environ 3,9% en 2020). Cependant, cette pandémie, COVID-19, aura des effets sur le social, le commerce, les finances publiques, le secteur bancaire, les envois de fonds, le tourisme, les investissements et les marchés financiers, les prix. Cela s’en parler des consommateurs et des entreprises déjà en pleine crise de panique. Et l’UNECA présage que ce vent mauvais formé de pauvreté et chômage se transformera en véritable maelström. Force est de constater que le coronavirus est un nouveau coup dur pour la croissance économique qui devrait passer de 3,2% à 1,8%.
Prix des produits de base et commerce des marchandises
51% des exportations africaines sont destinées à des pays fortement touchés par le COVID-19. Comme nous le savons, l'Afrique est un grand exportateur net de carburants. Les exportations de combustibles ont tendance à fluctuer et suivent de près l'évolution des prix du pétrole brut. Plus de 65 milliards de dollars de pertes de revenus sont attendus estime l’UNECA. Les 10 principaux exportateurs africains de carburants seront touchés (sur la base des moyennes de 2016-18). Le chiffre d'affaires annuel moyen des exportations de carburants pour l'Afrique en 2016-2018 était de 166 milliards de dollars américains, avec un prix annuel moyen du WTI pour la période de 57,6 dollars américains. Les prix des produits de base devraient continuer de baisser. La baisse actuelle des prix du pétrole a été beaucoup plus rapide, certains experts prévoyant une baisse des prix encore plus sévère qu'en 2014. En outre, les prix du brut ont chuté de 54% au cours du premier trimestre 2020 pour s’afficher à moins de 30 $ le baril aujourd’hui. Idem pour les prix des matières premières non pétrolières. De plus, le choc survient à un moment particulièrement difficile pour trois des plus grandes économies qui affichent déjà de faibles perspectives de croissance : le Nigéria ou premier exportateur de pétrole du continent, l’Angola, et l’Afrique du Sud en récession. Le COVID-19 pourrait réduire les exportations totales de pétrole brut du Nigéria en 2020 entre 14 et 19 milliards de dollars américains (par rapport aux exportations prévues sans COVID-19). Malheureusement, les analystes de l’UNECA et de l'ICA s'attendent à des tensions similaires dans d’autres pays bien qu’ils affichent une trajectoire de croissance plus dynamique.
Baisse des envois de fonds et affaiblissement du secteur financier
Les envois de fonds représente un secteur d'activité économique important pour de nombreux pays africains. Le volume des transferts sera fortement touché par la pandémie puisque les pays encouragent les mesures de distanciation sociale et de confinement. Les envois de fonds en proportion du PIB dépassent 5% dans 13 pays africains et atteignent 23% au Lesotho et plus de 12% aux Comores, en Gambie et au Libéria. La baisse des envois de fonds affectera les petits États insulaires en développement (PEID), les Pays les Moins Avancés (PMA), les pays touchés par des conflits et les pays en situation de fragilité. La perturbation de l'accès au crédit commercial affectera davantage les options de préfinancement des exportateurs et importateurs de biens. Pour les crédits commerciaux, les pays auront besoin d'une aide en matière de liquidités, en particulier ceux qui sont des exportateurs nets de produits alimentaires pour éviter une augmentation des prêts non performants (NPL). Ces fragilités précitées entraîneront des incertitudes économiques, budgétaires et des défis pour les finances publiques. Il ne fait aucun doute que les pays touchés, ainsi que leurs partenaires au développement tels que les BMD ont déjà entamé un dialogue sur les mesures de réponse immédiate à la crise et les mécanismes de soutien contra cyclique pour aider les gouvernements à atténuer les impacts économiques néfastes causés par le Covid-19.
Pauvreté, genre et urbanisation
L'autre canal par lequel Covid-19 affectera l'activité économique est la pauvreté, le genre et l'urbanisation. De plus, les femmes soignantes seront touchées de manière disproportionnée. À titre indicatif, 65% des infirmières sont des femmes, tandis que 72% des médecins sont des hommes. La crise Ebola a montré que les agents de santé étaient plus susceptibles que les autres groupes d'être infectés et de mourir après avoir été infectés.
Bien que la santé des personnes touchées par le virus soit clairement primordiale ; les gouvernements africains doivent également anticiper les effets économiques dévastateur de la pandémie pour garantir que leurs pays sortent de la crise quasiment indemne. L'analyse de l’UNECA sur l'impact du Covid-19 en Afrique a pour objectif d’aider les Etats africains touchés à lutter efficacement. Cette pandémie devrait également être un appel à renforcer les institutions mondiales.
Résumé de l’analyse de UNECA effectuée par le secrétariat de ICA
Téléchargez l'analyse complète de UNECA