En RDC, le plus ancien parc naturel d'Afrique menacé par l'exploitation pétrolière
5 August 2013
Le Monde.fr
C'est le plus ancien parc naturel d'Afrique, celui qui recèle, aussi, la plus grande biodiversité : le parc national des Virunga, situé dans le nord-est de la République démocratique du Congo (RDC), est aujourd'hui menacé par des projets d'exploitation pétrolière, alerte le Fonds mondial pour la nature (WWF) dans une campagne de mobilisation lancée jeudi 1er août.
Alors que le gouvernement congolais a accordé des permis d'exploration couvrant 85 % de sa surface, le WWF estime que la RDC ferait mieux d'y investir dans la production d'énergie hydraulique, la pêche et l'é cotourisme. Selon un rapport, en anglais, du cabinet Dalbeerg Global Development Advisors, la RDC pourrait ainsi gagner 1,1 milliard de dollars par an, et créer 45 000 emplois permanents.
Outre les revenus du pétrole, le tourisme pourrait rapporter 235 millions de dollars, la pêche, 90 millions, l'énergie hydraulique, 10 millions, tandis que, plus indirectement, les services rendus par les écosystèmes (séquestration du carbone, fourniture d'eau et prévention de l'érosion des sols) rapporteraient près de 64 millions de dollars.
Enfin, le fait de préserver les ressources naturelles pour les générations futures représenterait une valeur de 700 millions de dollars par an.
De tels chiffres ne sont toutefois réalisables qu'en temps de paix, précise le WWF. Une condition loin d'être acquise, dans cette zone du Nord-Kivu gangrénée par les combats entre l'armée congolaise et différents groupes rebelles, notamment le M23.
Dans ce contexte, la valeur annuelle du parc est pour l'instant estimée à 49 millions de dollars.
"LE PÉTROLE SERAIT UN FLÉAU"
En juin, l'Unesco avait déjà appelé à une annulation de tous les permis d'explorer dans le parc des Virunga. Total avait répondu en s'engageant à ne jamais exploiter de pétrole en son sein, laissant la britannique Soco seule compagnie à envisager de tels projets. Malgré la grande instabilité de la région, mais aussi des risques sismiques et volcaniques.
Malgré, enfin, l'interdiction légale de l'exploration et de l'exploi tation pétrolières et minières dans les aires protégées de la RDC, selon l'UICN (Union internationale pour la conservation de la nature).
Suite à cette mise en garde de l'Unesco, le premier ministre congolais s'était engagé à renforcer l'application de la loi, et le ministre de l'environnement à suspendre la prospection pétrolière dans le parc. Mais, explique l'UICN, les prospections aériennes ont tout de même été autorisées par le gouvernement, et ce sans aucune étude d'impact environnemental digne de ce nom.
La compagnie Soco affirme quant à elle être "très sensible" à la valeur environnementale du parc. Elle assure que son projet, en boostant le développement économique de la région et de tout le pa ys, pourra même inverser la tendance au déclin du parc naturel, qui est officiellement tombé, selon elle, sous les critères requis pour être inscrit au patrimoine mondial de l'humanité.
Ce "n'est pas comme les autres projets d'exploration", dit Soco, car des études d'impact environnemental et des investissements sociaux y sont menées en amont.
Ce n'est pas l'avis de la WWF, dont le directeur du bureau de Kinshasa, Raymond Lumbuenamo, estime que les projets pétroliers ne pourront que déteriorer la sécurité dans le parc - où les rebelles du M23 sont déjà présents. "Le pétrole serait un fléau. Ça agrave toujours les conflits. Ça provoquera des sabotages. Le parc peut devenir comme le delta du Niger", s'inquiète-t-il.
Dans c ette région densément peuplée - notamment par des personnes ayant fui le génocide rwandais de 1994 -, 50 000 personnes dépendraient du parc pour vivre. Le WWF craint une pression accrue sur les terres, si une partie de la réserve est dédiée à l'exploitation, qui ne serait pas contrebalancée par le peu d'emplois créés.
Il dénonce aussi la potentielle pollution de l'air, de l'eau et du sol, que ce soit par les fuites de pipelines ou par le torchage (le fait de brûler le gaz issu de l'extraction pétrolière).
Créé en 1925, le parc des Virunga abrite 3 000 espèces animales - un tiers de la population mondiale de gorilles de montagne, une espèce en danger, mais aussi des chimpanzés, lions, éléphants, rhinocéros, hippopotames, okapis...
Selon l'UICN, y sont recensés plus de 2 000 espèces de plantes supérieures, 218 espèces de mammifères, 706 espèces d'oiseaux, 109 espèces de reptiles et 78 espèces d'amphibiens. Bref, une biodiversité d'une grande richesse, qui évolue dans des habitats passant des marécages aux steppes, des neiges éternelles du Rwenzori, à plus de 5 000 m d'altitude, aux plaines de lave autour des volcans actifs.
Article original par Angela Bolis